Inachevée
Elle s'appuie contre le mur. Comme Une ombre qui se détache de l'âme. Ses yeux fermés. Crispés. Plissés. Sous l'effort. Son visage dirigé vers le soleil, comme une Moscovite qui se réchauffe, à la sortie de l'hiver. Elle est immobile, absente, inexistante, transparente. Ne frissonnent que ses entrailles. Tourmentées. Violées. Elle s'adosse plus fortement. La main brûlante du soleil force sur ses paupières. Les cautérise. Rester, durer, dans cette nuit factice, s'y accrocher. Encore.
Son buste tressaille. La nausée se faufile, tel le serpent, monte et submerge. Sa gorge. Des hauts-le- cœur du bleu à l'âme. Vomir ses rêves. Ejecter. Y plonger ses mains. Fouiller. Trier. Retourner. Palper. La vie. En chercher toute vibration encore ardente, vivante. Peut-être. Inutile. Il n'y a rien. Ni rêve ni vibration. Nur ein unendliches Würgen. Elle ne sait pas depuis quand elle n'a plus de rêves. Peut-être qu'elle-même n'est plus. N'existe pas. Qu'elle n'est que songe. Mensonge.
S'il n'y avait pas cet étranglement. Cette brûlure sur ses paupières. Cette obstination de demeurer dans la nuit.
Autour d'elle, la chaleur du sang. Des autres. Leurs voix, leurs rires, leurs rêves. Leurs mains aux lignes de vie. Chemins tracés. Où fuse le rire, se trouve la vie. Si le rire est le propre de l'Homme, du rêve en est-il de même ? Sans rêves, l'Homme est-il animal ? Naît-on Homme ou le devient-on ?
Lentement, elle se détache du mur. Quitte l'immobilité. Emerge. Dehors, le silence est profond. Il n'y a plus de voix, ni de rires. Elle a fait le vide. Elle finit toujours par chasser ceux qui l'approchent. Par amour.
Seules restent deux petites mains. Chaudes. Confiantes. Glissées dans les siennes. Chair de sa chair. La Vie par la vie. Une réalité de rêve.
Sardanapale
La mort de Sardanapale. Eugène Delacroix
Sardanapale
Laisse-moi t'offrir
Le sang
De mes pensées
Dépouillé de vérité
De toute sincérité
Ne te reste que magie
Je suis ta fée verte dissolue
Que tu dégustes
A la brune avancée
Du haut de ta couche cossue
Sardanapale
Tu me regardes
Sans convoitise
Et sans envie
Te peindre quelque fois
Une existence
Aux nuances denses et colorées
Gardant toujours demi-fermés
Tes yeux parfois très fatigués
Pour me cacher
Jalousement
Ton vrai visage si bien gardé
Sardanapale
Ton nom cruel
Me laisse sans peurs
et sans détresse
Je reste comme droguée
Au souvenir d'un halo mystérieux
De fumée froide bleutée
Je ne suis qu'une nuée passagère
A l'orée de tes longues nuits solitaires
Qui s'échappe sans laisser trace
A la naissance de tes matins fugaces.
Ne raconte pas
Je ne mange plus. Je ne dors plus. J'éjecte la bile amère de mon ventre douloureux. J'étouffe dans les cris silencieux. Mes rêves éveillés sont peuplés de disparus. Mânes animées devant mes yeux, grands fermés. Je suis une paralysée qui fait semblant de gigoter. La vie ne me frôle que lorsque la petite mort me touche. Derrière mon rire, feuillage de vie, se cache le noir intense du tunnel à traverser. J'ai cherché un roc. Pour en fermer l'entrée. Pour ne plus être attirée.
A coulé la douceur le long de ma gorge. Pour apaiser les maux. Quelques rares instants remplis de chaleur intense. La caresse velouté d'un pétale de rose, au son d'une voyelle fluide. Mais jamais d'ivresse. Je ne me refuse rien, car aucun besoin ne me vient. Aucun désir ne m'anime pour obscurcir mon décès.
Une seule envie a franchi ma conscience. Que tu me serres aussi fort jusqu'à briser mon corps.
Il m'avait dit, tu racontes, mais tu ne me parles pas.