Awakening
Ce soir, je devrais me coucher tôt. Mais cela fait trop de jours que les doigts me démangent. Que le clavier de mon PC ressemble à un phare qui prévient de la tempête. La tempête c'est dans ma tête. Je vis sans souffrance. Des fenêtres s'ouvrent. Les portes battantes s'écartent. Rester sur le seuil. Toujours. Un peu. Hésitante. Quelle direction prendre ? Aucune peur de rien. Juste un sentiment bizarre. Et puis quelques changements, à première vue sans importance. Mais à première vue seulement. Ton nom. Pendant les longs mois, j'étais dans l'ignorance totale de ton nom. Un jeu que nous avions construit d'emblée, sans nous consulter. Tout à fait à ta, à ma convenance. Depuis le temps s'est écoulé, en profondeur. J'ai appris ton nom. Sans jamais le prononcer. J'estimais, estime toujours, de ne pas être en droit de le faire. Et puis, le temps qui passe prend une dimension supplémentaire. L'horizontale. A l'enracinement s'ajoute une étendue à perte à vue. Tout aussi troublante. Je me méfie des mirages, d'autant plus que je ne me sens pas dans un désert. Des sables mouvants, je ne me méfie pas. Ils font partie de la vie. En y pensant, les mirages aussi peut-être... Voilà que je m'observe à te faire venir parfois dans ma vie de tous les jours. Et que je suis dans l'obligation de dire ton nom à haute voix. Chaque fois c'est une montagne à dépasser. Personne ne se rend compte de rien. Tout se passe dans la tête. Il est vrai que quelques fois, très rarement, je me suis aventurée de plein gré à cette expérience. Sous des airs de plaisanterie et presque toujours par écrit. Au fond, c'est une chose très sérieuse. Le nom. Le prénom. Jusqu'ici tu étais « TOI ». Là, je ne peux plus dire, voilà tel et tel et voilà TOI. Ton nom ne sort que difficilement. Il roule dans ma bouche, se heurte. Hésite. Une fois enfin libéré, ce nom porté par le souffle prend une profondeur particulière. Il devient une entité, une réalité. Tu existes.